L'inauguration d'un square des Justes... pour que les enfants se souviennent.
En ce matin de Novembre, une inhabituelle effervescence agite le modeste bourg creusois de La Celle Dunoise. De sombres limousines, ornées de cocardes aux couleurs de la République Française, déversent leur lot de personnages officiels. Ils viennent grossir la foule déjà présente sur ce carré d'environ 10 mètres par 10, sorte de balcon surplombant une Creuse somptueusement rehaussée par les couleurs de l'automne. Certains Maires, ceints de leur écharpe, ont traversé tout le département pour être présent.
De Guéret, sont venus des élus du Conseil Général et le préfet de la Creuse en personne. De Paris, se sont des représentants de l'état d'Israël et du Comité Français de l'association juive Yad Vashem qui ont fait le déplacement. Tous sont venus ici, à La Celle Dunoise, pour l'inauguration d'une stèle à la mémoire de cette cinquantaine de creusois qui, au cours des sombres années 1940 et au péril de leur vie, ont caché et donc sauvé 2800 enfants, femmes et hommes, tous juifs et, sinon,... promis aux fours crématoires des nazis.
Le badge
On m'a donné un badge quand j'étais enfant. On m'a donné un badge, ce que j'étais content !
Il était beau ce badge, jaune et bordé de noir. Il était beau ce badge, comme un astre vraiment.
La forme d'une étoile, à six branches de surcroît. La forme d'une étoile, un mot écrit dedans.
On avait marqué JUIF au centre lisiblement. On avait marqué JUIF sur mon coeur de sept ans.
C'est un drôle de cadeau qu'on m'avait offert là. C'est un drôle de cadeau, un passeport étranger.
J'ai failli aller loin là où d'autres sont allés. J'ai failli aller loin, et partir en fumée.
(...) Albert Pesses
Les paroles de "Nuit et brouillard", la chanson de Jean Ferrat, imprègnent doucement le tout nouveau Square des Justes. Puis, le Maire de La Celle Dunoise, le représentant d'Israël, celui de Yad Vashem, celui du Conseil Général et, pour finir, le préfet de la Creuse, lisent leurs discours. Ils rappellent combien peu nombreux furent les français, résistants ou non, qui ont eu le courage de sauver des juifs dans la France collaboratrice de Pétain et Laval.
Il rappellent aussi qu'il fallut attendre 1995 pour que la République Française (par la voix de son président Jacques Chirac) accepte de faire son "Mea Culpa" en présentant ses excuses pour la part de responsabilité de la France dans le génocide des 6 millions de juifs de la Shoah. Ils rappellent encore combien la nature républicaine, radicale, tolérante et solidaire des creusois a fait de la Creuse une terre favorable à l'éclosion de "Justes parmi les Nations". Ils rappellent... pour que l'on se souvienne.
Ensuite, les enfants des Ecoles de Saint-Sulpice-le-Dunois et La Celle Dunoise se succèdent et récitent 2 poèmes : l'un de Serge Rosenberg, et l'autre d'Albert Pesses. Tous les adultes, tous les élus, tous les officiels, écoutent en silence les petites voix qui prononcent les vers de "Les Justes" et de "Le badge"... pour que l'on se souvienne... et pour qu'eux, les adultes de demain, n'oublient pas, n'oublient rien !
Pour clore cette cérémonie, les nuages de ce ciel de novembre ont pleuré quelques larmes. Oh, pas beaucoup ! Juste assez pour signer le livre d'or de cette inauguration de leurs trois ou quatre fines gouttelettes... pour que l'on se souvienne.
Et, comme en Gaule tout finit par un banquet, nous sommes allés ensemble à la Salle des Loisirs de La Celle Dunoise pour partager un (copieux) apéritif dinatoire !