MAIS OU SONT DONC PASSES TOUS LES JOURNAUX QUE LISAIENT LES CREUSOIS ?

30 décembre 2020

MAIS OU SONT DONC PASSES TOUS LES JOURNAUX QUE LISAIENT LES CREUSOIS ?

De nos jours, quand un Creusois vous dit qu'il a lu "LE journal", il veut trés trés souvent parler de La Montagne (un titre qui n'a pratiquement plus de conccurents en Creuse). Mais ce même Creusois ignore peut-être qu'en 1919 (année où le socialiste Alexandre Varenne crée le journal La Montagne), les habitants du département lisent alors une bonne trentaine de journaux différents...

D'ailleurs, à cette époque, La Montagne (venu de Clermont-Ferrand) n'a qu'une poignée de lecteurs en Creuse (qui habitent vers Crocq et Merinchal). La presse (locale, régionale et nationale) est dévorée par plus de 50.000 familles (un chiffre approximatif, sachant que, dans les villages creusois, journaux et magazines circulent d'un foyer à l'autre). Commençons par L'Echo de la Creuse (créé en 1807)...

Imprimé à Guéret, il appartient à Léon Chagnaud, qui est un industriel et un sénateur de la Creuse (de l'Union Républicaine pour ne rien vous cacher). Léon Chagnaud meurt en 1929 et le poids politique du journal s'amenuise peu à peu, ainsi que son lectorat (qui est de 3.200 abonnés). En 1932, Pierre Vernadeau (maire à La Souterraine) fonde le journal La Creuse Républicaine...

La Creuse Républicaine (qui pique ses lecteurs à L'Echo de la Creuse) raccourcit son nom en La Creuse en 1934. Puis, en 1936 (avec un tirage de 9.000 exemplaires), elle devient le principal opposant creusois au gouvernement de Front Populaire. Connaissez-vous le trés conservateur Messager de la Creuse ? Cet hebdomadaire appartient à la vicomtesse de Curel (à Noth)...

L'abbé Laly, curé à Crocq, en est le principal rédacteur. Il y défend assidûment la religion catholique et fait passer le nombre d'abonnés de 3.000 à 4.600 en quelques années. Quant à Léo Moluçon, maire adjoint d'Aubusson, il fait imprimer dans sa ville Le Mémorial de la Creuse (un hebdomadaire qui lui appartient et dans lequel il cumule toutes les fonctions)...

En 1927, Le Mémorial de la Creuse démarre avec 2.800 abonnés et, en 1936, en a 6.000. Ses lecteurs sont des ouvriers d'Aubusson et des migrants creusois de Paris. Vaguement socialisant à ses débuts, le journal devient trés militant quand Léo Moluçon prend, en 1935, des responsabilités au sein de la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière).

Deux mots de L'Union Démocratique (à Guéret) et de Le Réveil de la Creuse (à Aubusson) : ce sont 2 hebdomadaires radicaux creusois et chacun d'eux culmine à 1.200 abonnés (environ). Leur collègue, Le Courrier de la Creuse (géré par une association d'ouvriers guérétois) est dirigé par 2 sénateurs de centre-droit (en 1935, ce journal défend le gouvernement de Pierre Laval)...

Emile Mireaux (futur ministre de Pétain) et tous les élus radicaux de Creuse déversent d'ailleurs leur haine des socialistes dans Le Courrier de la Creuse. Le journal passe de 400 lecteurs (en 1927) à 1.800 (en 1936). Deux autres hebdomadaires radicaux sont imprimés à Bourganeuf : Le Marchois et Le Chercheur... le 1er a 260 abonnés, le 2nd en a 1.800.

Bien qu'elle ait été trés brève, signalons (gentiment) l'existence à Chambon-sur-Voueize (en 1927) de L'Annonciateur (qui disparaît en 1928). A Guéret, l'Imprimerie Lecante fabrique différents journaux politiques mais elle se charge également de sortir de ses presses les 12.000 exemplaires du mensuel La Revue Agricole de la Creuse (ne partez pas, nous avons presque terminé !)...

Créé après la "grande guerre", Le Mutilé Creusois (journal de l'Union Fédérale des Anciens Combattants Creusois) devient, en 1921, Le Combattant Creusois. Vous dormirez beaucoup mieux quand vous saurez que La Creuse Syndicale (créé en 1934) avait 650 abonnés ! Ce journal défendait les positions de la SFIO et de la CGT (trés fortement socialiste en Creuse, à cette époque).

Dans le même genre, il existe aussi un Bulletin du Syndicat National des Instituteurs qui est distribué à 700 enseignants creusois. Loin d'eux, un certain Francis Bussière édite (de 1936 à 1939) une revue trés virulente, nommée La Réaction de la Terre de France, qui est destinée à rassembler toutes les droites (nationalistes, monarchistes et ultra-conservatrices).

Le Courrier du Centre (imprimé à Limoges) est quant à lui un quotidien régional. Il est distribué à plus de 5.000 exemplaires en Creuse et, dés sa naissance, il affiche un fort conservatisme. En 1936, Le Courrier du Centre se montre violemment hostile au gouvernement de gauche. Comme lui, Le Populaire du Centre nait à Limoges (en 1905) mais...

Quotidien régional de la SFIO, Le Populaire du Centre imprime un cahier réservé à la Creuse et y vend quelques 2.000 exemplaires. Le Bonhomme Limousin (qui paraît tous les 15 jours) est un magazine de la droite radicale qui est plutôt lu dans les campagnes. Le Petit Limousin (également bi-hebdomadaire), de tendance socialiste, n'est diffusé qu'à Bourganeuf.

Le Travailleur du Centre Ouest est l'hebdomadaire du SFIC (Section Française de l'Internationale Communiste). Son lectorat oscille entre 100 et 300 personnes. En 1935, il est rebaptisé Le Travailleur et devient le journal officiel du Parti Communiste creusois. Le journal parisien Le Quotidien est le seul qui ait connu (dans les années 1920) un peu de succès en Creuse...

Il le doit à l'activisme politique d'Henri Dumay qui créé ce journal pour répandre (dans toute la France) les idées des différentes familles de la gauche. Quant à La Dépêche de Toulouse, elle doit sa surprenante présence en Creuse à l'unique bureau qu'elle a ouvert place Bonnyaud (à Guéret), ce qui lui permet de vendre 150 exemplaires chaque semaine.

Du côté des magazines, si Le Petit Echo de la Mode est la revue préférée des Creusoises, leurs époux sont plutôt adeptes d'un hebdomadaire national nommé Le Chasseur Français. Pour ce qui concerne les enseignants, ils préfèrent parcourir les pages du Canard Enchaîné, alors que Le Miroir des Sports est le chouchou des jeunes citadins creusois.

Chers lecteurs de Marchoucreuse, nous finirons (parce qu'il faut bien s'arrêter un jour, tout de même !) par le journal nationaliste Gringoire, dont les employés administratifs de Guéret et les lycéens étaient alors trés fiers de montrer qu'ils en étaient lecteurs (c'était il y a une centaine d'années, jeunes ami-e-s ! Tout le monde sait bien qu'aujourd'hui les lycéens ne lisent que Le Monde Diplomatique !).