LES CREUSOIS NE VEULENT PLUS MOURIR POUR NAPOLEON
Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à l'empire d'Autriche. Après 6 ans de guerre, les jeunes creusois commencent à se rebeller contre la conscription : le Ministre de la guerre demande que les déserteurs soient sévèrement punis et le préfet reproche aux Creusois de rester sourds à l'appel de la République ! Puis, au printemps 1802, cette guerre s'achève enfin...
Mais Napoléon replonge le pays dans la guerre en mai 1803. La conscription reprend et des milliers de Creusois sont envoyés combattre loin de chez eux. Cette fois, la rebellion est si forte que les conseils de révision d'Aubusson et de Felletin doivent demander la protection de 5 brigades de gendarmes... le service militaire est au sommet de son impopularité !
En 1806, à Aubusson, le tiers des jeunes conscrits préfèrent se cacher dans les bois plutôt que de partir à la guerre. En 1808, à Felletin, La Courtine et Gentioux, aucun des 3100 migrants ne se présente (et pour cause : ils ne sont pas là !). Pour les autres, 56% d'entre eux sont réformés car... ils sont trop petits
(il faut mesurer plus de 1,59 mètre pour pouvoir aller faire la guerre !).
A Bourganeuf, 54% des appelés n'atteignent pas cette taille et ce chiffre atteint 75% à Guéret ! En 1812, des jeunes creusois se présentent avec de faux certificats de maladie (délivrés par un rebouteux), 33 autres se sont volontairement blessés à la jambe, sans parler de ceux qui se tranchent l'index pour ne pas partir
(et qui, du coup, sont immédiatement envoyés en prison).
A Pigerolles, un petit malin du nom de Jean Pateaud fait se présenter son frère de 14 ans à sa place. Malheureusement pour lui, le maire de la commune connait son adolescent de frère ! A Felletin, François Combaudon demande à son cousin (qui est trop petit) de se faire passer pour lui. Mais, 2 jours plus tard, le cousin est appelé au Conseil de révision de Gentioux...
Le préfet reconnait aussitôt le cousin de François Combaudon et comprend alors la supercherie ! D'autres rebelles au service militaire réussissent à obtenir la complicité de leur maire (ou du secrétaire de mairie) en faisant falsifier les registres d'état-civil (notamment en transformant les prénoms masculins en prénoms féminins). Le maire de La Nouaille, lui, est arrêté pour un autre délit....
Il prétend avoir oublié d'inscrire 23 jeunes conscrits de sa commune (cet "oubli" lui coûtera cependant 2 ans de prison). Entre 1807 et 1812, ceux qui ne parviennent pas à échapper à l'armée impériale ne se retrouvent pas toujours au front : 951 Creusois réussissent en effet à déserter, à revenir au pays et (pour la plupart d'entre eux) à rejoindre ceux qui se cachent déjà dans les bois.
Ils y forment des bandes que les gendarmes ne parviennent que rarement à prendre. Le préfet s'empresse alors de se plaindre du manque d'effectifs dont il dispose. Il accuse aussi les maires de Crocq, de Royère et de La Courtine de protéger illégalement les réfractaires et, ainsi, de l'empêcher à fournir le nombre de soldats que le gouvernement lui demande.
Pendant toute la durée des incessantes et interminables guerres napoléoniennes, le préfet ne parviendra jamais (malgré tous ses efforts) à casser la solidarité qui réunit les élus creusois, la population de leurs communes et les jeunes réfractaires... pas plus qu'il ne parviendra à savoir les noms des maçons de la Creuse qui sont réellement en migration temporaire !