L'HISTOIRE DES GRANDS CRUS DE LA CREUSE (MAIS SI !)
Vous n'y croyez pas ? Pourtant, nous avons des preuves... en l'an 997, le sieur Boson, comte de la Marche, mentionne que des vignobles recouvrent tout le versant qui surplombe le Moutier-d'Ahun, sur la rive droite de la Creuse. En 1279, la Charte de Chénérailles nous annonce que quiconque abimera la précieuse vigne de son voisin devra payer une amende de 2 sols !
La Commanderie de Bourganeuf affirme quant à elle que Loys Lebert a reçu du grand Prieur d'Auvergne propriété d'un vignoble. Pour sa part, le château de Sainte-Feyre possède une vigne et un verger clos de murs, ainsi qu'un pressoir "dans lequel est fait du bon vin". Un écrit de 1405 atteste, lui, que le couvent de Banassat (à Saint-Sulpice-le-Guérétois) possède ses vignes !
En 1493, un acte de partage entre Jean de Gondeville (seigneur de Les Places, à Crozant) et François de Gondeville (seigneur de Rion, à Eguzon) mentionne l'existence de la vigne de Betoulle (à Saint-Sébastien). Par ailleurs, les Coutumes de la Marche de 1521 réservent aux seuls seigneurs le droit de vendre le vin de leur récolte, déniant ainsi ce droit aux autres habitants.
En 1724, la présence d'un jardin "autrefois planté en vignes" dans les terres de Chamborand est encore mentionné. A Malval, en 1775, Tournyol de la Rodde fait planter un vignoble dans un terrain entouré de murs : la vigne, qui ne produira de raisin qu'une seule fois en 10 ans, est alors totalement arrachée... Serait-ce donc la fin des "célèbres" grands crus de la Creuse ?
Des tentatives de plantation de vignes sont faites en 1899 sur de petites parcelles à Genouillac, Sainte-Feyre et La Celle Dunoise : elles se soldent par des échecs. A La Celle Dunoise, le Dr Frédéric Bertrand comprend que son erreur a été de créer le vignoble du Clopier en bas de la vallée, laquelle possède un climat trés inadaptée à la culture de la vigne. Il persiste cependant...
Cette fois, il fait planter au sommet du versant exposé au sud... Bingo ! Sa vigne produit rapidement 1kg par pied de beaux raisins de table ! A côté de ce qui se nomme le Clos Bertrand est construit un château et un bâtiment dans lequel le raisin, plongé dans de l'eau avec un morceau de charbon, se conserve pendant des mois. Et il va vendre ce produit trés recherché pendant 25 ans !
Pour ne pas être trop chauvin, 2 mots sur nos voisins... En Haute-Vienne, les vignes de Limoges produisaient jadis de grosses quantités de raisins mais, en l'an 763, Pépin-le-Bref fait détruire la ville et brûler le vignoble. Ce dernier est néanmoins replanté et 1221 sera une année record pour Limoges et pour Aixe-sur-Vienne ! Mais, en 1273, la garnison d'Aixe s'en mêle...
La soldatesque interrompt brutalement les vendanges à l'Isle, prés de Limoges. Peu après, les vendangeurs de Limoges se vengent en détruisant les pressoirs et les vignes d'Aixe. L'année suivante, les soldats de Limoges détruisent les champs de blés et le vignoble d'Aixe-sur-Vienne... Aujourd'hui, les vignes du Limousin ont totalement disparues. Au final, c'est un match... nul !
Marchoucreuse se permet (modestement) de vous conseiller au passage le succulent film d'Ivan Calbérac "La Dégustation", projeté en 2022 sur les écrans de cinéma, avec Isabelle Carré (dans un rôle délicatement fruité), Bernard Campan (pour son interprétation empreinte d'arômes minérales) et Mounir Amamra (incarnant la fraîcheur, l'impertinence et le pétillant).
"Avec leurs mains dessus leurs têtes, ils avaient montés des murettes jusqu'au sommet de la colline. Qu'importe les jours, les années, ils avaient tous l'âme bien née, comme un pied de vigne. Les vignes, elles courent dans la forêt, le vin ne sera plus tiré, c'était une horrible piquette... mais il faisait des centenaires à ne plus savoir qu'en faire, s'il ne vous tournait pas la tête !" ("La montagne" - Jean Ferrat).