LA POSITION DU CLERGE MARCHOIS PENDANT LA REVOLUTION FRANCAISE
Au 16ème siècle, les curés, vicaires, chanoines, clercs et autres enseignants de collèges forment un bataillon de quelques 3.000 religieux. Mais 2 siècles plus tard (bien avant que n'éclate la Révolution), ils ne sont plus que 480 à veiller sur les âmes de 220.000 Marchois
("Quel est donc le mystérieux phénomène qui a produit un tel effondrement du nombre des curés marchois ?" vous demandez-vous alors)...
La cause première est le départ des nobles et de leurs familles, lesquels quittent la Marche pour aller vivre dans des habitations plus confortables (notamment à Paris et à Lyon). Mécaniquement, celà crée une chute des vocations et (du même coup) une baisse des ressources de l'église. La 2nde est qu'une partie des curés marchois a été séduite par les idées des philosophes des Lumières !
Il se dit même que 3 de ces religieux seraient devenus francs-maçons ! Le départ massif de la noblesse hors de la Marche va permettre à la bourgeoisie locale de se faire une petite place parmi les prêtres en exercice (dont, notamment, des fils de notaires royaux). Dans les campagnes, ces bourgeois, qui savent lire et écrire, accèdent ainsi à la gestion des documents administratifs.
En mars 1789, cette graine de gilets jaunes va d'ailleurs rédiger un cahier de doléances à l'intention des Etats-généraux de la Révolution. Mais les prêtres marchois restent foncièrement convaincus qu'il faut faire confiance au roi de France pour réformer les abus et pour faire appliquer les nouvelles lois du culte, même si cela déplait fortement à la hiérarchie écclésiastique !
Toutefois, les religieux ne veulent absolument pas que des juges civils viennent fouiner dans leurs affaires. Mais, par contre, ils veulent bien percevoir un salaire de l'Etat et, pour les plus âgés, une retraite. Le cahier de doléances du clergé marchois est ensuite emporté à Versailles par les curés de Bellegarde et de Saint-Fiel, lesquels ont été élus députés par leurs collègues.
En février 1790 nait le département de la Creuse et, dans son sillage, un diocèse voit le jour à Guéret. Le 29 novembre, l'assemblée électorale de ce diocèse choisit Jean-François Mourellon (curé de Néoux) comme évèque. Le père Mourellon hésite mais finit par refuser ce titre : une rétractation surprise qui survient à la suite des pressions de l'évèque de Limoges...
En effet, l'évèque Louis-Charles Duplessis d'Argentré a inondé les curés de Guéret, de La Souterraine et de Chénérailles de fascicules virulents contre la Constitution civile du clergé. Le 6 février 1791, il revient à la charge et accuse l'assemblée du diocèse de Guéret de tentative de schisme, avant de condamner tous les curés qui ont prêté serment à cette constitution civile.
Les prêtres de la région de Boussac ne se laissent pas influencer et, à part le curé de Jarnages, tous acceptent la Constitution. Il en est de même à Aubusson mais, en mars, 12 de ses prêtres se rétractent. L'assemblée électorale du diocèse de Guéret revote et nomme Marc-Antoine Huguet (curé de Bourganeuf et ancien membre des Pénitents Bleus) en lieu et place de Mourellon.
Jean-François Mourellon, lui, est emprisonné et les 119 prêtres qui ont refusé de prêter serment (sur un total de 404) sont remplacés par d'anciens chanoines ou des vicaires. L'ambitieux Marc-Antoine Huguet se fait élire député et se détourne alors de la religion. Il se radicalise et participe alors à la Terreur révolutionnaire (avant d'être lui-même exécuté, en 1796, pour "complot contre la Révolution").
En 1792, l'administration creusoise interdit l'exercice du culte aux prêtres qui n'ont pas prêté serment et menace les contrevenants de les expulser du royaume. Malgré celà, ils persistent. Puis, en 1793, le ton se durcit : la Société des Amis de la Constitution recrute quelques 70 religieux et fait fermer toutes les églises des prêtres réfractaires à la Constitution civile du clergé.
Quelques messes continuent alors, ici et là, à être célébrées clandestinement. Mais une grande partie des curés réfractaires préfèrent faire le choix de s'exiler hors de France. Toutefois, la cinquantaine de ceux qui ne prennent pas cette décision sont tous arrêtés et emprisonnés, avant d'être déportés loin de la Creuse et de connaître d'assez difficiles conditions de détention.