LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE VISITE ENFIN LA CREUSE !
Arrivant de Limoges, le président de la République entame sa visite-marathon de la Creuse par la petite ville de Bourganeuf. A l'entrée, le président y est chaleureusement accueilli par une foule qui clame "Vive le président !". Hippolyte Berger, maire de Bourganeuf, souhaite alors la bienvenue au président et à son épouse avant d'entamer son discours...
Le maire termine sa prise de parole en les remerciant de leur visite. Raymond Poincaré remercie à son tour, avant de rappeler que Bourganeuf est un lieu qui a pour député René Viviani, lequel est son ami depuis 25 ans. La fanfare municipale et un choeur de 50 jeunes filles entonnent ensuite la Marseillaise. Puis, le cortège présidentiel prend la direction de Guéret...
La route est bordé d'une multitude d'ornements floraux qui la décore de part et d'autre sur des kilomètres. Devant la fabrique de bijoux Savard, l'ensemble du personnel ovationne longuement le président de la République et, lorsque la colonne des véhicules officiels aborde les faubourgs de Guéret, une salve de 21 coups de canon est tirée en son honneur.
Sur la place Bonnyaud, 2 arcs de triomphe ont été érigés et 2 banderoles proclament "Vive le président !" et "Vive la République !". Le cortège arrive dans la cour de la préfecture où le préfet Truc (car tel est son nom) attend Raymond Poincaré. Au nom de la ville, le bijoutier Savard et le chapelier Quelet remettent alors des cadeaux à son épouse...
Il s'agit d'une aumonière en or ciselé et d'un splendide chapeau creusois, symboles du luxueux savoir-faire local. Puis, le président et son épouse se rendent ensuite à pied au banquet qui a été préparé en leur honneur. Le long du parcours, la population les applaudit à tout rompre ! Dans la salle du banquet, 29 tables de 10 couverts ont été dressés...
Des guirlandes et des drapeaux décorent abondamment la pièce où prennent place des élus creusois et bon nombre des notables de Guéret (dont messieurs Viviani, Binet, Grand, Lacrocq, Defumade, Mazière, Cruchand et Judet). A l'extérieur, la musique de la Garde Républicaine accompagne martialement le déjeuner de ses cuivres et de ses tambours.
A l'heure du champagne, le sénateur Defumade tient à exprimer au président qu'il est convaincu que "le septennat qui commence aura un résultat heureux"*. Le président lui répond en remerciant les populations de la Creuse et les habitants de Guéret pour l'accueil inoubliable qu'ils lui ont réservé. Puis, à 14h30, le cortège présidentiel quitte la ville...
Il fait un rapide crochet au sanatorium de Sainte-Feyre avant de repartir vers Ahun. Le long de la route, de nombreux Creusois saluent chaleureusement le passage du président. A Ahun, 6 jeunes filles costumées en Alsaciennes (Poincaré est né en Lorraine) offrent autant de bouquets de fleurs au chef de l'état. Les véhicules reprennent ensuite leur périple...
L'étape suivante est Lavaveix-les-Mines, où, cette fois, 3 arcs de triomphe ont été réalisés (l'un par les houillères, un second par les mineurs et le 3ème par la commune). La longue randonnée se poursuit et amène le président et sa suite à Aubusson, dont les rues sont (pour l'occasion) noire de monde. L'auto présidentielle, encadrée par celles de la sécurité, avance au pas...
Comme précédemment, les acclamations sont fabuleusement enthousiastes. Les voitures parviennent enfin à destination et la fanfare aubussonnaise entonne, ici aussi, une Marseillaise exceptionnelle. Dans la cour du collège, des jeunes filles offrent des bouquets à madame Poincaré. Les visiteurs découvrent ensuite une exposition sur la tapisserie...
Elle est l'occasion pour les manufacturiers d'Aubusson et de Felletin de remettre au président et à son épouse une oeuvre splendide (et fleurie) qui a été réalisée en haute-lisse. Les tapissiers des 2 villes offrent ensuite un vin d'honneur au président et à sa suite. Un paysan s'approche alors de madame Poincaré et lui tend une brassée de bruyère de la Creuse.
Le président et son épouse regagne ensuite leur automobile, laquelle part pour Felletin. La foule, immense et toujours bienveillante, est difficilement contenue par les forces de l'ordre. A 16h45, le cortège présidentiel fait son entrée sous des applaudissements nourris. Le maire fait un discours qu'il termine par un vibrant "Vive le président ! Vive la République !".
En réponse, Raymond Poincaré vante la beauté de la Creuse et la magnifique industrie de Felletin, laquelle rayonne au delà des frontières du pays. La journée présidentielle se termine ensuite au camp militaire de La Courtine où le froid est assez vif. Le président est ensuite conduit à son pavillon : là, son épouse et lui, vont passer la nuit au chaud...
Nous sommes au début de l'automne et, dans moins d'un an, une guerre effroyable va vider la campagne française de ses forces vives (particulièrement celles de la Creuse). Mais le journal L'Union Démocratique de la Creuse du 14 septembre 1913 est loin de pouvoir l'imaginer...
(*ni de deviner que cette guerre, qui est mondiale, va durer pendant une grande partie du septennat de Raymond Poincaré) !