Les "Marches de la mort" traversent la Creuse...
En 1809, face à l'occupacion des troupes françaises (conduites par Napoléon), la résistance espagnole s'organise : les peuples ibères et catalans défendent farouchement l'indépendance de leur(s) pays et les "opérations de maintien de l'ordre" mobilisent 300.000 soldats français, lesquels risquent de manquer sur d'autres fronts. Mais Napoléon semble avoir trouvé la solution...
Chaque mois, les milliers de jeunes soldats espagnols qui sont emprisonnés à Toulouse sont déplacés (à marche forcée sur 600 kilomètres) jusqu'à Autun, en Saône-et-Loire. Ces déportations s'apparentent alors à de véritables "Marches de la mort" et la traversée de la Creuse (par Bourganeuf, Guéret et Gouzon) est jalonnée de nombreux décès.
En 1811, la mort des prisonniers fait enfler de 20% le nombre annuel des décès comptabilisés à Bourganeuf. A Guéret, un lot de 145 morts (d'épuisement et de malnutrition) gonflent lui aussi les statistiques. A Gouzon, ils ne sont plus que 13 (sachant qu'il convient d'ajouter à ces chiffres ceux des portugais, anglais, autrichiens et suisses qui les ont accompagné dans la mort).
Lorsqu'une colonne de prisonniers fait halte dans une ville, la plupart des décès ont lieu le jour même (ou le lendemain). Ils sont alors enregistrés comme "espagnols inconnus" ou (quelquefois) sous leur propre nom (souvent francisé). Les registres alignent des Joseph Souarise, des Aimé Jean ou des François Gomesse (au lieu de José Suarez, Jaimé Juan ou Francesc Gomez).
Les trois quarts de ces morts en déportation ont entre 16 et 24 ans. La plupart du temps, ils rendent leurs derniers soupirs (au bout de quelques heures) dans les prisons creusoises ou dans ses hôpitaux. Après avoir marché 10 heures par jour et parcourus de nombreuses étapes de 30 kilomètres, un soir, ils s'effondrent sur une paillasse... et ne se relèvent plus jamais !
Ceux qui (après cette longue marche d'un bon mois) arrivent vivants au camp d'Autun doivent tenter de résister aux épidémies... s'ils veulent revoir (un jour, peut-être) leur Galice ou leurs Asturies natales. En 1812, il n'y a que 2800 soldats espagnols détenus dans le camp : combien étaient-ils au départ ? Et... Napoléon n'aurait-il pas (sciemment) organisé leur élimination ?
Nous tenons ici à remercier monsieur Michel Patinaud qui nous a spontanément fait découvrir cette (sombre) page commune de l'histoire de la Creuse, de la France et de l'Espagne. Il l'a découverte par hasard, alors qu'il faisait des recherches généalogiques, dans les grimoires des Archives Départementales de la Creuse (et qu'il tient à remercier au passage).