PETITE HISTOIRE DES TUILERIES DE LA CREUSE
Quelques siècles après qu'ils eurent envahi la Gaule, les romains y importent la route, le vin, la chrétienté (après avoir rasé les temples gaulois) et, pour ce qui nous intéresse ici, la tuile et la brique. Mais, dans les villes, la brique ne sera vraiment utilisée qu'après le moyen-âge. Les campagnes, quant à elles, garderont même leurs toits de chaume jusqu'aux années 1700.
En 1785, une ordonnance du parlement royal, appliquée à Jarnages, interdit aux creusois de continuer à utiliser de la paille pour leurs toitures. Cela provoque une brusque demande de tuiles, laquelle fait naître en Creuse des dizaines de tuileries familiales et artisanales. En 1860, ce sont quelques 70 sites qui permettent à autant de famille de paysans d'arrondir les revenus de leur ferme.
Dans ces tuileries, même les enfants participent à la fabrication. Ils portent les briques sur les aires de séchage, ils façonnent le nez des tuiles, nettoient les outils de découpe et soignent les finitions. Comme ils vont en classe, la fabrication des tuiles a lieu, de préférence, les jours sans école (vacances comprises).
Outre les membres de la famille, quelques ouvriers y travaillent aussi. En 1878, leurs salaires avoisinent les 3 francs par jour, nourris, logés et blanchis (dans la région d'Aubusson, le salaire n'est que de 2 francs/jour). Ils travaillent (et ne sont donc payés) que les jours où la tuilerie en a besoin...
Après le séchage, les tuiles et briques doivent être cuites dans le four, par fournée de 25 à 30 mille pièces. La cuisson dure une bonne semaine et consomme environ 30 stères de bois. Durant ce temps, il faut veiller, nuit et jour, que le four n'enflamme pas la trop proche charpente de la tuilerie.
Dans les années 1920, la concurrence devient rude. Pour y faire face, une partie de la centaine de tuileries creusoises se mécanisent, avec des moteurs diesel. Celles qui ne le font pas meurent, les unes après les autres. Les survivantes s'industrialisent (et s'électrifient) aux alentours de 1950.
Les jeunes creusois partant vivre en ville, les tuileries rurales manquent de main-d'oeuvre. Dans un dernier sursaut, elles tentent de se regrouper pour produire en commun... Mais l'inévitable se produit : au début des années 1970, aux alentours de Gouzon, la dernière tuilerie encore en activité s'arrête définitivement !
Désormais, c'est à l'ECOMUSEE de la TUILERIE de POULIGNY (commune de Chéniers) qu'incombe le devoir sacré de perpétuer la mémoire de l''histoire des tuileries de la Creuse ! Cette ancienne tuilerie a été minutieusement restaurée et des animations autour du feu, de l'argile, du monde rural ancien et des tuileries creusoises s'y déroulent régulièrement. Croyez-nous : une visite s'impose !