Victor Cope invente les magasins Coop (à Guéret)
Qui, parmi ceux qui parcourent l'avenue Pierre Leroux* (à Guéret), sait combien de riches évènements cette artère a connue au début du 20ème siècle ? (Et aussi, combien savent qui est Pierre Leroux* ?) L'aventure commence avec Victor Cope (grand humaniste et professeur au lycée de Guéret au 20ème siècle) qui s'inquiète (pour ses concitoyens) de la flambée du prix du pain...
En 1907, avec quelques autres, il décide de lancer une boulangerie coopérative, dans le but de maîtriser les hausses de cet aliment (essentiel à l'époque). Cette boulangerie, nommée "La Guérétoise", est ensuite transformée en entrepôt de nourriture et, en 1924, devient l'UCC (Union des Coopérateurs de la Creuse), sise dans l'actuel avenue Pierre Leroux*.
Puis, 2 autres entrepôts sont ouverts (à Aubusson et à Bourganeuf) et instituteurs et professeurs apportent un soutien enthousiaste à l'UCC. En 1930, 9% des creusois sont sociétaires de l'Union des Coopérateurs de la Creuse. Sylvain Blanchet, syndicaliste agricole, député socialiste de la Creuse et administrateur de l'UCC depuis 1924, implique les agriculteurs dans le mouvement...
L'UCC et les agriculteurs organisent alors des opérations de ramassage d'oeufs, de lait et de beurre, utilisant à cette occasion le riche réseau de chemins de fer creusois. Les coopérateurs ouvrent des épiceries UCC partout dans le département et créent même, dans les années 1930, pour les sociétaires, un service d'assurances et d'assistances sociales.
Les enfants des sociétaires de l'UCC bénéficient de 4 semaines de vacances dans sa colonie de l'île d'Oléron et un cabinet médical UCC permet de bénéficier de 40% de réduction sur le prix de la consultation. L'Union des Coopérateurs de la Creuse ouvre également des bibliothèques départementales mobiles, une librairie et un cinéma ambulant.
En mai 1940, 300.000 réfugiés (qui fuient l'avance des allemands) sont hébergés et nourris dans l'immense entrepôt de l'avenue Pierre Leroux*. A partir de 1941, les camions de livraisons de l'UCC servent de navettes clandestines au maquis. A la libération, le général de Gaulle modifie la législation des associations coopératives : les 16 fédérations agricoles sont regroupées à Guéret.
Des boutiques Coop sont présentes partout en Creuse (20% des creusois étant sociétaires de l'UCC). Puis, les financiers investissent dans les grandes surfaces et leur féroce concurrence sape l'UCC (et ses "supérettes" Coop). Au début des années 1980, l'UCC dépose le bilan et la disparition de cette énorme coopérative de consommation affaiblit le mouvement coopératif creusois.
Fin 2013, le mouvement coopératif représente encore 16,4% des emplois que fournit la Creuse. Ce mouvement perdure derrière des enseignes comme Coop des Champs (vente de produits fermiers), Alicoop (nourriture pour animaux), Ambiance Bois (fabrique de parquets et lambris), et quelques autres.
Une partie des anciens entrepôts de l'UCC de l'avenue Pierre Leroux* héberge maintenant les Archives Départementales de la Creuse, une autre a été dédiée à la formation professionnelle, une autre encore est occupée par un Centre d'Aide au Travail et par la Banque Alimentaire, et une dernière a été remplacée par le bâtiment flambant neuf de... Pôle Emploi. Voilà, voilà...
*Mais qui est donc Pierre Leroux ? En 1840, ce républicain considère que le fait de travailler pour une association coopérative permet aux travailleurs d'accéder à la liberté et à l'égalité. Sur les conseils de son amie Georges Sand (qui le soutient financièrement dans le projet), il crée L'Ecole de Boussac, une imprimerie associative où vont travailler 80 membres-associés...
Prenant la suite de Pierre Leroux, Antoine Cohadon et Martin Nadaud fondent, en 1848, La Fraternelle des Maçons. Antoine Cohadon crée également, vers 1860, Le Crédit au Travail (qui est la première banque coopérative creusoise) tandis que Nadaud envisage de finaliser un projet (utopique à l'époque) de Caisse de Retraite des Travailleurs.
Avant de vous quitter, citons quelques autres historiques coopératives creusoises : l'Association Ouvrière des Tapissiers d'Aubusson, la Felletinoise (coopérative ouvrière diamantaire), la Coopérative de Consommation de Bourganeuf, la Coopérative des Mineurs de Lavaveix, la Coopérative Ouvrière de Fransèches et l'Association Ouvrière de l'Industrie Chapelière de La Souterraine... au champ d'honneur des disparues
(au passage, un petit clin-d'oeil malicieux de Marchoucreuse à son amie Dominique).