UNE NOTE SALÉE POUR LA CREUSE !
Nous sommes dans le royaume de France, en l'an 1331, et un impôt assez injuste est en vigueur. Il se nomme la Gabelle (Tout sujet de plus de 8 ans y est astreint). En plus, d'une région à l'autre, cette taxe n'est pas la même. Par exemple, le nord et l'est de l'actuelle Creuse sont pays de Grande Gabelle. Grand comme... impôt plus lourd, évidemment ! C'est une histoire un peu compliquée mais, accrochez-vous, elle vaut son pesant de cacahouète/sel/bigorneau/fromage râpé* !
*entourez le mot qui a votre préférence et rayez les autres.
Les sujets de ces contrées doivent obligatoirement acheter le sel royal (la Gabelle)* dans les greniers à sel. Le reste de la Marche (ou Creuse), anciennes possessions anglaises, bénéficie d'un régime différent : ce sont des pays dit à Gabelle rédimée, où le sel royal est vendu moins cher. La contrebande du sel à donc vite fait de sévir entre les pays de Grande Gabelle et leurs voisins. Des agents du roi, les Gabelous, sont chargés de traquer les contrebandiers.
*Une sorte d'ancêtre biscornu de notre si sympathique TVA
Rappelons malicieusement qu'à cette époque les conserves et le surgelé n'existent pas ! Pour garder les aliments, il faut saler ! Et pour saler : il faut du sel, beaucoup de sel ! (C.Q.F.D, comme dirait La Palisse)
Entre 1537 et 1544, le pouvoir royal tente d'uniformiser la Gabelle en... (devinez quoi ?) augmentant l'impôt dans les pays rédimés. Ce qui provoque aussitôt des insurrections, vite réprimées, comme il se doit. Afin de calmer les esprits, en 1553, Henri II supprime la Gabelle dans les pays du Poitou, Limousin, Marche, Combraille et Franc-Alleu... contre le paiement de 995.000 livres.
Une centaine d'années plus tard, le muid de sel coute 50 livres à Aubusson contre 2000 dans les greniers du Berry... La contrebande bat son plein des 2 côtés de la "frontière". En 1667, une zone de surveillance impitoyable est mise en place (dite "des 5 lieues", qui passe par Fresselines, La Celle Dunoise, Glénic, Ahun, Chénérailles... jusqu'à Evaux-les-Bains). Les habitants de ce no man's land renouent alors tristement avec la douloureuse gabelle.
La constante brutalité des Gabelous ne réduit en rien l'hostilité de ces marchois. Au contraire : elle provoque une énorme émeute dans le pays de Chéniers. Un des agents royaux est éventré, ses intestins remplacé par du sel et son cadavre est ainsi promené dans le bourg. Un bataillon royal est dépêché de Paris et la répression qui s'ensuivra couvrira la terre de flots de sang. En outre, 34 peines de mort sont prononcées. La "frontière" est, par la suite, prudemment reculée sur les places fortes de Dun et Guéret...
En 1704, c'est à Aubusson cette fois qu'éclate l'émeute. Les habitants protestent contre la limitation à 14 livres de sel par personne. Une centaine d'archers royaux sera nécessaire pour en venir à bout !
Pour compléter ce dossier, nous voulions vous donner la recette du poulet cuit au sel et celle de la poule au sang mais, hélas, nous ne retrouvons ni l'une ni l'autre... Une autre fois peut-être ?