En 1869, la commune de Saint-Vaury casse sa tirelire et fait refaire le clocher de son église (du 13ème siècle)... 62 ans plus tard, au début du mois de juin 1921, un violent orage s'abat sur le bourg. La foudre provoque alors un incendie qui détruit le clocher et ravage une partie de la charpente ! Cependant, un heureux hasard a amené les frères Perret à Saint-Vaury...

Auguste, Gustave et Claude Perret (architectes et entrepreneurs de travaux publics) lisent le désespoir qui emplit les yeux embués du maire, des conseillers municipaux et des habitants de Saint-Vaury. Devant tant de détresse, Auguste et Gustave (les architectes) proposent généreusement une solution qui permettra de refaire l'église et son clocher à moindre frais...

En effet, en ce 1er tiers de 20ème siècle, un extraordinaire engouement s'est emparé du monde de la construction pour un matériau bon marché et une technique nouvelle dont les possibilités semblent infinies : le béton armé ! En 1923, les 2 frères montrent les plans de leur projet. Le Conseil municipal de Saint-Vaury est médusé : ils veulent faire un clocher en ciment !

L'idée du cabinet Perret frères, outre le clocher, repose sur la réalisation d'une voute, elle aussi entièrement en béton armé. Auguste et Gustave Perret doivent batailler dur pour faire accepter un projet qui horrifie la population et ils mettent donc en avant l'esthétique, la robustesse, le faible coût du matériau et la maitrise qu'ils ont de cette technique d'avant-garde.

Ils ont à leur actif la réalisation d'un immeuble, d'un garage, d'un théâtre, d'usines et d'une église justement ! Et tout a été construit en béton ! Contrairement à ses administrés, le Conseil municipal se laisse convaincre et signe. Le dossier est transmis en Préfecture et, en 1924, la voute en béton armé est terminé. Deux ans après, elle est recouverte d'ardoises.

A l'intérieur, le béton reste visible, "brut de décoffrage". Dehors, un surprenant clocher rassemble 4 ailerons reliés par des claustras, le tout réalisé avec un béton bien gris... et c'est ainsi que cette église devient une curiosité, assez rare pour être classée à l'inventaire des Monuments Historiques en octobre 2004. Après Saint-Vaury, les frères Perret continuent d'oeuvrer...

Ils bétonnent l'église de Montmagny et la tour d'orientation de Grenoble en 1925, réalisent le bâtiment du Mobilier national en 1931 et, en 1937, le Musée des Travaux publics. A la Libération, les Perret refont la gare d'Amiens et, de 1945 à 1960, redessinent et reconstruisent en grande partie la ville du Havre, qui a été ravagée par de nombreux bombardements.

Si la beauté architecturale de cette église vous émeut trop, vous pouvez toujours reposer vos sens en promenant votre regard humide sur les objets que contient la vitrine des reliques de Vaury (un ermite belge qui est mort en 620 sur le puy de Bernage). En 765, le roi Pépin le Bref donne les terres de (l'actuelle commune de) Saint-Vaury aux moines de l'abbaye Saint-Martial, à Limoges...

Les moines y construisent une église et y amènent les reliques de Saint-Vaury, ce dernier ayant été sanctifié. En 1009, les reliques sont emmenées à Limoges mais reviennent à Saint-Vaury en 1019. Le monastère, qui compte encore 6 moines en 1220, commence à décliner au fil des siècles. En 1792 (à la naissance de la Creuse), il est vendu comme bien national.

Pendant la période révolutionnaire, les reliques sont cachées chez une pieuse habitante du bourg. Si bien que, par la suite, elles peuvent reprendre place dans l'église de Saint-Vaury. Par contre, la précieuse châsse qui s'y trouvait également a prudemment été transférée dans le musée de Guéret (dont les travaux ont été confiés à la Société Perret frères... mais non, c'est une blague !).

L'ININFLAMMABLE EGLISE DE SAINT-VAURY !

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