OU VA DONC PASSER LE CANAL QUI DOIT TRAVERSER LA CREUSE ?
En 1838, le ministre du Commerce présente un projet de construction de canaux dont l'un devra relier la Loire à la Garonne en passant soit par l'Allier, soit par la Haute-Vienne et la Creuse... Bien évidemment, les élus creusois vantent l'intérêt d'un canal qui traverserait leur département ! Mais l'officier d'état chargé d'en réaliser la carte le trouve trop coûteux...
De plus, ce cruel fonctionnaire affirme que le tracé creusois servirait surtout l'intérêt électoral d'un candidat à la députation... le projet est alors abandonné. Puis, en 1878, le ministre des Travaux publics annonce que 380 millions de francs vont être consacrés à la construction de nouveaux canaux, dont celui de la Loire à la Garonne (qui est celui qui nous intéresse)...
Cette fois, les élus de Gironde exigent que le canal passe par Angoulème, Confolens, Châteauroux et Vierzon. Les creusois rétorquent aussi sec que leur département fera circuler 300.000 tonnes de marchandises (du charbon, du bois et du granit) sur le canal. Une commission nationale calcule alors qu'il faudra 6 ans pour construire cet ouvrage, d'un dénivelé de 488 m...
Malgré la nécessité de construire de nombreuses et grandes écluses (et malgré le surcoût que cela impliquera), le transport de marchandises sur ce canal sera 70% moins onéreux que celui qui utiliserait le chemin de fer ! La construction de ce canal recoit par ailleurs le soutien de l'ingénieur Ferdinand de Lesseps et de Martin Nadaud (le député socialiste de Bourganeuf).
Le tracé prévoit de traverser le Berry, de rejoindre la Petite Creuse (par un tunnel), de longer ensuite la Creuse jusqu'à Ahun puis de descendre sur Saint-Georges-la-Pouge avant d'aller suivre le Taurion de Saint-Hilaire-le-Château à Pontarion pour atteindre enfin la Vienne. Mais en 1880, l'ingénieur Deligny renverse la table et propose de passer plus à l'est...
Le brave ingénieur préconise en effet un nouveau tracé reliant la Vienne... au canal du Berry ! Il maintient le tracé entre Pontarion et Saint-Hilaire-le-Château mais prévoit 52 écluses dans la vallée du Taurion pour pouvoir franchir le col de Fransèches (à 512 m. d'altitude) en traversant un tunnel de 4 km. de long. Le canal filera ensuite vers Saint-Martial-le-Mont...
Là, grâce à un pont-canal, il traversera la Creuse avant de rejoindre Saint-Pardoux-les-Cards et Chénérailles pour atteindre ensuite le col qui, à 460 m. d'altitude, sépare la vallée de la Creuse de la vallée du Cher. De là, le canal quittera la Creuse et s'en ira jusqu'à Montluçon où il sera raccordé au canal du Berry (lequel a l'immense avantage d'être déja construit !).
Les plans du minutieux tracé de l'ingénieur Deligny sont vraiment irréprochables et le futur canal ne demande désormais plus qu'à voir le jour... Hélas, mille fois hélas ! Le projet est abandonné une seconde fois (franchement, tout ce suspens pour aboutir à ça, c'est rageant, non ?)... De nos jours, il n'y a toujours pas de péniches qui traversent la campagne creusoise (et c'est bien dommage les ami(e)s !).