LE PRÉFET DE L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE A GUERET ET A AUBUSSON !
C'est en Haute-Vienne que commence cette étrange page de l'histoire de la Creuse : en 1851, les époux Barnaud dirigent une école libre de la Société Évangélique à Arnac. En 1852, le Conseil académique décide sa fermeture et le couple Barnaud (qui refuse d'arrêter d'enseigner) est donc condamné à une amende pour exercice illégal du culte...
Craignant le retour d'une forte opposition politique, le gouvernement impérial met en alerte ses préfets et celui de la Creuse reçoit en 1857 un surprenant courrier du ministre de l'instruction publique et des cultes qui l'avertit d'une tentative de pénétration d'une église inconnue (dont les membres viendraient d'une société religieuse issue de Suisse ou d'Allemagne).
Le ministre rappelle au préfet de la Creuse que (selon la loi du 18 germinal, an 10) enseigner un culte est interdit aux étrangers. En 1858, le préfet reçoit un 2ème courrier : il doit dresser la liste des pasteurs exerçant le culte protestant en Creuse, la date de leur consécration et leur nationalité. Entretemps, le couple Barnaud s'installe à Guéret...
Le préfet déclare alors que la présence d'un instituteur protestant au milieu d'une population catholique le "préoccupe". Barnaud rétorque qu'il ne souhaite pas ouvrir d'école mais seulement instruire les enfants des 3 familles protestantes de la ville... En réalité, Barnaud a bien été envoyé en mission par la Société Biblique pour ouvrir une école à Guéret !
Barnaud recrute un colporteur nommé Villard avec qui il parcoure la Creuse pour vendre ses bibles protestantes. Le préfet, zélé serviteur de l'Empereur Napoléon III, pense que derrière le masque de la religion, Barnaud fait en réalité de la propagande politique. Aussi, quand le permis de colportage de Villard vient à échéance, il en interdit le renouvelement.
Et pour faire bonne mesure, il ordonne la mise en place d'une surveillance policière qui le renseignera sur tous les faits et gestes de Barnaud. Mais, dans les années qui suivent, Barnaud cesse de faire du prosélytisme religieux et, en 1860, le pur et dur activiste de la Société Biblique qu'il est quitte définitivement la ville de Guéret.
A Aubusson, un pasteur très actif nommé Comte apparaît en 1850. Il se contente d'abord de distribuer des livres religieux puis se met à prêcher dans les environs de la ville. Comte est alors arrêté et condamné à une amende pour exercice illégal d'un culte. Il quitte Aubusson mais y revient en 1863 (cette fois comme ministre consacré du culte protestant).
Le pasteur Comte reprend donc ses activités religieuses, plus particulièrement à Lavaveix. Mais, le dimanche 8 janvier 1865, il commet une grossière erreur : il se rend à Vallansange (dans la commune d'Issoudun-Létrieix) dont il utilise la chapelle catholique pour y faire son prêche, aprés en avoir fait sonner les cloches. Mais il n'en reste pas là...
Devant les 150 personnes qui se sont rassemblées dans la chapelle, Comte se met à critiquer avec virulence la religion catholique. Pour ces délits, le tribunal d'Aubusson condamne le pasteur à 150 francs d'amende. Par ailleurs, ayant été mis au courant de l'affaire, le ministère de l'Intérieur demande un rapport de police sur le susnommé Comte...
Le rapport décrit alors le pasteur protestant comme étant un homme doux, honnête, ayant une "bonne opinion politique" mais... qui s'en prend à ceux qui adorent les saints. Il a réellement été consacré par la Religion réformée mais, précise le rapport, a été envoyé à Aubusson par un culte dissident nommé Société Evangélique.
Le pasteur Comte retourne prêcher à Vallansange où la population est en conflit avec son curé et menace "de se faire protestants" si elle n'obtient pas ce qu'elle veut ! Puis, le 6 mai 1865, des habitants de La Borne demande l'autorisation au préfet d'établir un lieu de culte protestant. Une autre demande arrive en préfecture en juin 1866...
Elle émane de ceux de Saint-Avit-de-Tardes. En 1869, le pasteur Henri Laure demande à son tour l'autorisation de réunir ceux de Lavaveix. Le préfet lui répond qu'il doit fournir la liste de tous les protestants, ainsi qu'un avis motivé du maire de Lavaveix et un autre du sous-préfet d'Aubusson sous forme d'arrêtés en bonne et due forme.
Aprés avoir souscrit à toutes les demandes du préfet impérial, le pasteur Henri Laure parvient à obtenir qu'un centre protestant s'ouvre dans la commune de Lavaveix, ainsi qu'une école. Les instituteurs qui y enseignent en toute légalité sont eux-même protestants et cette école va tranquillement fonctionner jusqu'en 1890.