François Roudaire, un creusois qui voulait créer une mer dans le Sahara
Un certain François Elie Roudaire naît à Guéret en 1836. A 19 ans, il entre à l'école militaire de Saint-Cyr puis à l'école d'Etat-major comme spécialiste en topographie et en géodésie. Il en sort lieutenant et est affecté à Biskra, en Algérie. Roudaire y étudie les grands lacs salés (les chotts) et se persuade assez vite que, comme ils sont situés sous le niveau de la mer, ils communiquaient autrefois avec la méditerranée. Il imagine alors de creuser un canal...
Le lieutenant Roudaire adresse un rapport à l'empereur... pas de réponse. Il publie ensuite "Une mer intérieure au Sahara" dans La Revue des deux Mondes. Puis, en 1875, il fait la connaissance de l'ingénieur Ferdinand de Lesseps qui lui dit qu'il connaît son projet et le pense réalisable. Le monde scientifique est, quant à lui, assez partagé. Mais l'opinion publique est tellement enthousiaste que le parlement français vote un crédit de 10.000 francs pour l'étude du projet.
Roudaire repart au Maghreb; cette fois à la tête d'une équipe de 3 officiers d'Etat-major, d'un médecin, du secrétaire de la Société Nationale de Géographie, de 30 hommes du bataillon d'Afrique et de 20 soldats du Génie. Au bout de 2 ans, il revient en métropole et présente ses conclusions : il conseille d'inonder les 13.000 km2 des lacs de sel, pour en faire une mer intérieure de 400 km. de long par 60 de large, en creusant un canal de 18 km. dans les sables du désert saharien.
Roudaire est convaincu que sa mer intérieure modifiera la météorologie de la région et rendra le désert fertile. En 1876, une expédition gouvernementale se rend à Biskra et découvre qu'une partie du projet de Roudaire se trouve en réalité au dessus du niveau de la mer. Sa mer intérieure en sera donc pratiquement divisées par 2. Le capitaine Roudaire ne se décourage pas et donne alors une série de conférences afin de rallier de nouveaux adeptes à son idée.
Jules Verne s'en inspire et écrit L'Invasion de la mer. Alors que l'armée montre désormais de l'hostilité pour son projet, le capitaine Roudaire reçoit la rosette d'officier de la Légion d'Honneur, devient professeur à l'école militaire de Saint-Cyr et se lie d'amitié avec Ferdinand de Lesseps. En 1878, les députés lui votent une nouvelle subvention pour un "complément d'études avec des instruments de mesure plus performants". Et c'est ainsi qu'il repart pour le Maghreb en 1880...
Roudaire en revient et apprend que Charles de Freycinet, le nouveau ministre des travaux publics, trouve son projet trop onéreux. Ferdinand de Lesseps et ses amis rassemblent alors des fonds et offrent 500.000 francs à Roudaire. Une nouvelle expédition est montée : le lieutenant-colonel Roudaire et de Lesseps en font partie, ainsi qu'un groupe de savants, d'ingénieurs et d'entrepreneurs. Ils démontrent ensemble que le projet est réalisable et... peu coûteux.
D'après eux, les lacs salés de Melrir et Rharsa sont facilement inondables, 200 millions suffiront pour creuser le canal et ces régions retrouveront la fertilité "qu'elles avaient jadis". Cette fois, tout semble sourire à Roudaire ! Mais, épuisé après ses longs séjours dans le désert, il vient se reposer à Guéret où il tombe malade. Le 14 janvier 1885, à 49 ans, il meure subitement.
Après le décès de François Elie Roudaire, le scandale du canal de Panama éclate : le gouvernement français s'empresse d'oublier le projet de canal saharien du colonel Roudaire. Le Conseil municipal de Guéret donne le nom de Colonel Roudaire à une petite rue de la ville et, par la suite, à une station de bus municipal.