Chabatz d'entrar !
Dans une lettre qu'elle écrit au journal L'Eclaireur (en octobre 1844) George Sand considére que la "ligne séparatrice" entre le français du nord (la langue d'Oil) et le français du sud (la langue d'Oc) se trouve très exactement à la confluence de 2 rivières : la Sedelle et la Creuse, donc exactement là où se trouvent les ruines de la forteresse de Crozant (Mouais... Admettons d'George !).
Pour le poète occitan Jean-Pierre Baldit, la "zone de contact entre Oil et Oc" se situe de part et d'autre de la Petite Creuse. Les habitants de la région de Boussac sont donc rattachés au parler berrichon (du pur Oil) et ceux du pays de Guéret sont liés au parler marchois (de l'Oc à la sauce à l'Oil). La Combraille, quand à elle, est de culture auvergnate (un Oc à l'ouille donc).
En 1967, la creusoise du sud qu'est Georges Nigremont remarque que "Sur les landes du plateau de Millevaches, la bergère dira à son chien, pour qu'il ramène les vaches : Vaï la care ! Vaï la care ! alors qu'à quelques kilomètres au dessous, dans la vallée, longuement psalmodié, on entendra : Veï lou quéri ! Veï lou quéri !" (conclusion : les chiens nous comprennent bien mais il faut tout répéter !).
Du côté de Bourganeuf, les vieux parlaient (et parlent encore un peu) l'occitan limousin... Bref, vous l'aurez compris : pour briller en société, il faut dire "LES patois creusois" (et, bien sûr, ne pas avoir un morceau de salade coincé entre les dents). Vous pouvez aussi citer Charles-Augustin Sainte-Beuve pour qui la langue creusoise "a eu des malheurs"...
Mais non, Charles-Augustin ! C'est pas du malheur qu'ils ont eu les patois creusois ! Ils ont tout simplement hérité d'une histoire marcho-creusoise intensément riche ! Et si, aujourd'hui, ils tendent à être de moins en moinssse causés, n'oublions pas qu'ils restent bigrement présent dans les noms de lieux. Tiens, par exemple Millevaches vient du patois "miau vatsas"...
De même, Montaigut vient de "monte acuto" (oui... mont aigu), Clairavaux de "clara vau" (claire vallée), Lavaufranche de "la vau francha" (la vallée affranchie), La Souterraine de "la subterranea", Guéret de "garait" (jachère), Azerables de "acera" (érable), Vassivière de "vacivier" (berger), La Courtine de "la cortina" (fortification) et Bourganeuf de "borca nou" (nouvel enclos).
Pour les ceusses que celà intéresse, l'indispensable livre Noms de lieux du Limousin - introduction à la toponymie (de Marcel Villoutreix, aux Editions Bonneton) recense tous les noms de villes, communes et villages de Haute-Vienne, Corrèze et Creuse et, en plus, explique trés clairement la signification et l'origine de chacun (qu'elle soit celtique, gauloise ou... gallo romaine).
Quand à la fameuse expression Chabatz d'entrar (Finissez d'entrer) que le creusois lançait hier au visiteur venu jusqu'à sa maison, elle s'adresse désormais à ceux qui viennent visiter la Creuse (souvent pour leurs vacances) et signifie : "Puisque vous êtes venu(e)s jusqu'en Creuse, venez donc vivre avec nous !" Et certains le font ! Incroyable, n'est-il pas ?