La pomme en Creuse : un antique drame d'amour !
Avant d'être envahis par les romains, les membres de la tribu des Lémovices, comme tous les autres gaulois, n'ont jamais vu de pommiers ! Non, jamais ! Car ce sont les romains qui introduisent en Gaule le raisin (et le vin), la châtaigne et la pomme (entre autres) ! Ils rapportent les pommiers, alors inconnus en Europe, d'Iran ou de Turquie. Ils en répandent alors la culture dans tout l'empire romain, y compris en Creuse où ils s'adaptent très bien.
Les siècles passent et, au moyen-âge, des pommiers sauvages greffés se retrouvent dans les jardins des monastères et dans ceux des châteaux. Les paysans, quant à eux, les plantent dans les haies (pour ne pas perdre de place) ou tout prés de la maison (dans le Couder). Ainsi, de nos jours, nous voyons toujours des poiriers et des pommiers enrichir les haies des campagnes creusoises... L'habitude moyenâgeuse aura perduré !
Autour du 19ème siècle, le paysan se heurte, face aux mauvais état des chemins et des (rares) routes, à des difficultés insurmontables pour exporter ses pommes. Il se résigne et en fait du cidre. L'avantage du cidre est qu'il se conserve sans peine jusqu'à la fin de l'hiver, contrairement aux "pommes de table" (sauf la remarquable "Sainte Germaine", ou "Lestre", qui se garde jusqu'au mois d'avril/mai)... A l'époque, le Limousin est encore riche d'une cinquantaine de variétés de pommes. Elles ont pratiquement toutes disparues de nos jours.
Jusqu'à la première guerre mondiale, les habitants des campagnes se contentent de stocker les pommes, avec les châtaignes et les noix, au grenier. Parfois à la cave, avec les pommes de terre, pour la consommation familiale. Puis, le chemin de fer se développe et permet de vendre la "Lestre", la "Reinette Grise", la "Blandurette", la "Vigneronne", la "Court Pendu" et la "Belle fille de la Creuse" aux 4 coins de France. Dans les wagons, les pommes voyagent en vrac, protégées par de la paille...
Et soudain... tout s'écroule ! Dans le sillage des GI's américains, une "Pin Up" débarque en France : la "Golden" ! Elle arrive en Limousin dans les années 1950. Sa fine robe jaune, ses rondeurs appétissantes et sa chair dénué d'acidité séduisent les français. Les pommiculteurs du Limousin, eux aussi, tombent amoureux de la belle américaine. Ils délaissent les vieilles variétés locales et offrent leurs terres à la jeunette, à l'étrangère ! Mais la "Golden" s'avère de santé fragile : ils doivent la gaver d'engrais et de pesticides pour qu'elle reste désirable...
Pauvre consommateur !
A propos de pommes... "Adam avait-il un nombril ?" (Jacques Dutronc)
Association Les Croqueurs de Pommes du Limousin
Une recette d'Estouffade rurale :
Mettez, s'il vous plaît, 400 g. de lardons dans un wok, à feu doux, pendant quelques 2 minutes. Vous y ajoutez 4 pommes de terre (préalablement cuite à l'eau) découpées en cubes. Vous remontez légèrement le feu de cuisson. Remuez pour graisser les pommes de terre et laissez rissoler 5 minutes. Ajoutez y 4 belles échalotes coupées en deux et 4 pommes que vous découpez en quartier. Remuez et laissez cuire 2 minutes encore. Vous ajoutez à tout cela 24 châtaignes (blanchies à l'autocuiseur) et laissez cuire pour 2 minutes supplémentaires. Salez et poivrez avec parcimonie puis éteignez la cuisson. Vous versez le tout dans votre cocotte préférée, mouillez le fond avec du jus de pommes et couvrez. Ensuite, vous mettez à cuire à feu doux pendant 36 minutes.
Cette Estouffade, bien que copieuse, a longtemps constitué, en tout et pour tout, le repas automnale des paysans creusois... Pas celui des Lémovices qui n'avaient pas de pommes de terre, pas de pommes ni de châtaignes... On vient de vous le dire !
Amie lectrice, ami lecteur, si vous n'avez pas épluché les pommes de terre, les oignons, les pommes et les châtaignes parce que nous ne l'avons pas écrit, vous risquez d'être plutôt déçus par cette recette.
(Il y a quelques temps, des fossiles de pommiers sauvages ont été trouvés dans la région frontalière entre le Kazakhstan et la Chine. Les datations effectués sur ces fossiles ont permis de définir qu'ils étaient âgés de 65 millions d'années. Les pommiers existaient donc déjà à l'époque des dinosaures !).