"l'occitan roucouleur, de dunkerque à tamanrasset" (hommage à François Cavanna)
FRANCOIS, JEAN, GEORGES, ET CHARLIE...
"Sinistre bête de guerre, la fesse hérissée de furoncles, la verge dévorée de chancres, gueux comme un cadet de famille, méchant comme un âne rouge, con comme un militaire et pieu comme un qui sait où se trouve le côté du manche, si Simon de Monfort, avec ses hordes de voyous de sac et de corde, ses moines pouilleux, ses évêques enferraillés, ses nobliaux rapaces, ne s'était jeté, au nom du Christ recrucifié et du pape inquiet pour son argent de poche, sur les doux pays d'au delà de la Loire"...
"ou bien si, s'y étant jeté et tous ses sacripants avec lui, ils s'y fussent fait proprement fesser et raccompagner dare dare, la lance aux reins, jusqu'en leurs tristes marécages nordiques couleur de suie et de rave, si tout ça au lieu du contraire, alors, mes enfants, il en irait aujourd'hui tout autrement qu'il en va"...
"Les pays d'oc n'eussent pas défleuri, les peuples d'oc ne se fussent pas rabougris, les parlers d'oc eussent bourgeonné et fructifié, peut-être même l'occitan roucouleur eût-il partout en terre de France supplanté les molles chuintantes picardes aux oïls beurrés comme suppositoires, et voilà, la francophonie serait partout d'oc, jusqu'aux confins brumeux où Flamands lourds du cul et Alsacos prussiens plus qu'à demi marquent les bornes extrêmes de la latinité"...
"Et nous parlerions d'oc, nous chanterions nos phrases sur des airs de Pagnol, nous dirions "Té, lou pitchoun!", ce serait l'Occitanie de Dunkerque à Tamanraset, que dis-je, à Mururoa, ça vaudrait le coup d'être vu. Hélas, l'oïl vainquit. Le sacripant bardé d'acier étripa le troubadour. Purée. L'occitan est mort-né. L'occitan n'a pas eu l'occasion de montrer ce dont il était capable. C'est bien triste. Je me fais une raison"...
"Si Vercingétorix, à Alésia, avait cassé la gueule à Jules César, le français, cette langue tant jolie tant unique que si elle existait pas on ose pas imaginer comme ça serait triste, et bien, le français n'existerait pas. Je, tu, il, nous, vous, ils parlerions un machin celtique dans le genre bas breton dont on a du mal à imaginer à quoi ça ressemblerait, vu qu'il n'en est rien resté"...
"Rivarol aurait composé un immortel Discours sur l'universalité de la langue gauloise et on ne pleurerait même pas le français puisqu'il n'aurait jamais eu l'occasion de seulement commencer à exister. Tout ça pour vous dire que je ne suis pas près de me jeter dans la grande bataille pour la renaissance de l'Occitanie, ni des Bretagnes, des Pays Basques ou de tous ces charmants particularismes locaux que les vicissitudes de la politique, des hégémonies centralisatrices et autres péripéties historiques ont empêché d'avoir la place qui leur est, culturellement, due"...
"Tiens, je vais vous dire. Ca ira beaucoup mieux le jour où une langue universelle sera parlée dans le monde entier. Qu'elle soit artificielle comme l'espéranto ou impérialiste comme le basic english, je m'en fous"...
(dessin de Georges Wolinski-1972)
Extraits de l'article "J'aime le français", écrit par François Cavanna en 1974 et paru dans le journal Charlie Hebdo.
(François Cavanna, Foire du Livre 2005, Brive)